Né de la crise des déchets déclenchée le 17 juillet 2015, le Mouvement civil constitue un phénomène atypique et sans précédent dans l'histoire récente du Liban, formulant des revendications qui évoluent assez rapidement vers des thèmes bien plus politiques. L'action du mouvement, qui atteint son apogée entre août et octobre 2015, a été « relayée par une déferlante populaire spontanée jamais vue dans l'histoire récente du pays » (Jalkh, 2015). Elle met en cause le système confessionnel au-delà des simples clivages traditionnels qui ont caractérisé le paysage politique national depuis l'émergence de l'État libanais.
L'ampleur de ce mouvement s'estompe néanmoins progressivement. Une grande partie des activistes et des sympathisants qui l'intègrent font le choix de rejoindre leurs camps communautaires respectifs. Peu de temps après avoir été présenté comme un mouvement rassembleur défiant une classe politique corrompue et paralysée, le Mouvement civil se trouve mutilé lorsque la sempiternelle dimension confessionnelle s'impose à nouveau dans le débat. Il apparaît, dès lors, que les institutions communautaires (basées sur l'appartenance religieuse des citoyens dans un État qui est officiellement formé de 17 communautés religieuses) oppriment les individus et entravent l'émergence d'une prise de conscience sociale ou politique aconfessionnelle commune.
Cet article se propose d'analyser la façon dont le système libanais s'érige en obstacle à l'émergence de collectifs non confessionnels ou non religieux. Dans une première partie, tout en abordant ce système et son ancrage sociohistorique, nous essayons de démontrer comment la logique confessionnelle constitue une variable à la fois discriminante et stérile. Dans une seconde partie, nous nous proposons d'analyser l'enjeu suscité par le Mouvement civil qui, dans le contexte sociopolitique et religieux actuel, est inéluctablement voué à l'échec.